Qui, au Québec, ne connaît pas le Chemin du Roy? La signalisation bleue ornée d’une couronne, tout au long de la route 138, fait partie de notre paysage quotidien entre Montréal et Québec depuis déjà plusieurs années. Mais si je vous disais que ce chemin emblématique renferme encore bien des secrets et des anecdotes inédites? Dans cet article, découvrons ensemble huit faits inusités au sujet du Chemin du Roy.
1. Pas le seul chemin du Roy
Aussi surprenant que cela puisse paraître, le Chemin du Roy que nous connaissons aujourd’hui est en fait… l’un des nombreux chemins du Roy construits à l’époque!
Geneviève Auger, coauteure des Carnets du Chemin du Roy, explique que tous les chemins publics en Nouvelle-France s’appelaient alors des chemins du Roy. Celui-ci a toutefois conservé ce nom parce qu’il était le premier à relier Québec et Montréal, créant ainsi un lien stratégique pour la colonie (La Presse).
Il faudra cependant attendre jusqu’en 1999 pour que le Chemin du Roy soit officiellement reconnu comme une route touristique patrimoniale par le ministère du Tourisme du Québec.
C’est ce qui a notamment permis l’installation des fameuses pancartes bleues à l’effigie d’une couronne le long de la route 138. Eh oui! Même si on a l’impression qu’elles ont toujours été là, elles datent en réalité d’à peine quelques décennies!
2. L’équivalent de la National Road aux États-Unis
Peut-être avez-vous entendu parler de la National Road chez nos voisins du sud, aussi nommée Cumberland Road. Vous savez, cette route réalisée entre 1811 et 1837 pour connecter l’Est au Midwest, afin de soutenir l’expansion des colons vers l’ouest?
Bien que plus longue que le Chemin du Roy – 1 000 km comparativement à 280 km –, la National Road est beaucoup plus récente. Mais c’est le Chemin du Roy, construit de 1706 à 1737, soit un siècle avant, qui demeure la plus ancienne route carrossable d’Amérique située au nord du fleuve Rio Grande.
On peut néanmoins tracer un parallèle intéressant entre ces routes, toutes deux aménagées pour stimuler le développement économique, faciliter les échanges et favoriser l’expansion territoriale de leur région respective.
3. Une forme quasi olympienne pour le parcourir
On l’oublie facilement de nos jours, mais voyager sur la première route carrossable reliant les villes de Québec et Montréal exigeait une bonne forme physique… et de la patience!
Il fallait effectivement être en bonne santé pour se déplacer à cheval ou en carriole sur un chemin de terre étroit, raboteux et souvent mal entretenu. À l’époque, chaque censitaire était responsable de l’entretien de la portion du Chemin du Roy qui traverse ses terres.
S’ajoutaient à cela le froid, les pluies diluviennes, les canicules et les relais très rudimentaires… Rien de confortable ni de luxueux pour les voyageuses et voyageurs de l’époque, disons-le!
À preuve, «à la fin du 18e siècle, le Chemin du Roy avait déjà subi quatre déviations à la hauteur de Yamachiche, Louiseville, Maskinongé et Saint-Barthélemy à cause des risques d’inondations», déclare l’historien et géographe Christian Morissonneau, spécialiste du Chemin du Roy (La Presse).
4. Une halte tous les 14 kilomètres
Bien de son temps, le Chemin du Roy a été conçu pour les voyageuses et voyageurs d’autrefois, qui se déplaçaient à cheval. On raconte qu’il y avait un relais environ toutes les 3 lieues (tous les 14 ou 15 kilomètres), ce qui représente la distance qu’un cheval pouvait parcourir avant de devoir se reposer.
Ces haltes servaient de lieux de repos pour les chevaux avant de reprendre la route. Christian Morissonneau précise que l’on changeait de cheval jusqu’à une vingtaine de fois pour se rendre à destination (La Presse)!
Plus tard, avec l’arrivée de la voiture, les voyageuses et voyageurs n’avaient plus besoin de relais aussi rapprochés. Plusieurs endroits ont donc été progressivement fermés, transformés ou convertis en une autre vocation.
Aujourd’hui, on s’arrête le long du Chemin du Roy pour découvrir le patrimoine, s’imprégner de l’histoire et apprécier le charme des lieux témoins de notre histoire.
5. Des croix de chemin comme repères
Au Québec, les premières croix de chemin sont apparues lors de la construction du Chemin du Roy. Ces repères, à la fois physiques et spirituels, permettaient aux voyageuses et voyageurs de se situer et de se recueillir lorsqu’il leur était impossible de se rendre à l’église.
Bien plus qu’un symbole religieux, «il s’agit d’une forme d’attachement ancien à un lieu, à un passage, sur lequel l’attention va se fixer», souligne l’historien Jean-François Nadeau (Radio-Canada).
Au fil du temps, plusieurs croix de chemin en piètre état ont été reconstruites, afin de rester présentes dans le paysage. Elles font d’ailleurs partie du patrimoine québécois depuis 1920, grâce à la Commission des monuments historiques du Québec. En 1975, on en dénombrait près de 3 000 à travers la Belle Province.
6. Un corridor militaire
Essentiellement destiné au transport de personnes et de marchandises, le Chemin du Roy jouait également un rôle clé dans la défense de la Nouvelle-France, entre autres lors des tensions avec les Iroquois ou les Britanniques.
Son tracé stratégique, reliant Québec, Trois-Rivières et Montréal, permettait de déployer rapidement des troupes et d’acheminer du courrier ou des approvisionnements militaires, en cas de besoin.
Plus encore, le Chemin du Roy assurait la cohésion administrative et militaire de la colonie, en reliant efficacement les villes et les garnisons pour maintenir la sécurité et la communication sur l’ensemble du territoire.
7. Menacé de disparaître
Si le Chemin du Roy est aujourd’hui inscrit dans notre patrimoine, il a pourtant failli disparaître à deux reprises. D’abord avec l’arrivée du train au 19ᵉ siècle, qui a détourné une grande partie du trafic sur les rails, puis avec l’inauguration de l’autoroute 40 en 1959, qui a relégué la vieille route aux oubliettes.
C’est surtout dans les années 1990 que le Chemin du Roy a retrouvé ses lettres de noblesse grâce à son itinéraire touristique unique en Amérique du Nord. La plus ancienne route carrossable de la Nouvelle-France traverse 26 cœurs villageois, de Cap-Rouge à Neuville, en passant par Portneuf, Batiscan et Saint-Sulpice, invitant à (re)découvrir des villages pittoresques et de nombreux attraits patrimoniaux.
8. Un hommage en chanson par Jean-Pierre Ferland
Quoiqu’elle ne fasse pas partie de son répertoire connu, la chanson Le Chemin du Roy de Jean-Pierre Ferland a été enregistrée en octobre 1967 pour commémorer la visite du général de Gaulle au Québec.
C’est lors de cette visite historique, le 24 juillet 1967, que le général de Gaulle a sillonné le Chemin du Roy entre Québec et Montréal, avant de lancer son célèbre «Vive le Québec libre» du balcon de l’hôtel de ville à Montréal – une phrase qui résonne encore dans la mémoire collective près de 60 ans plus tard!
Les anecdotes captivantes sur le Chemin du Roy sont nombreuses et vous en avez peut-être à nous partager pour le révéler sous un angle nouveau. Une chose est sûre : avec près de 300 ans d’histoire, le Chemin du Roy est bien vivant et rempli de récits plus étonnants les uns que les autres!