Pédaler de Montréal à Québec, c’était un vieux rêve que je me caressais depuis longtemps, toujours remis à plus tard. Puis, fin octobre 2024, l’occasion parfaite se présente : mon frère est disponible. Mon vélo tout juste acquis me fait de l’œil et j’ai quelques jours de liberté devant moi. Allons-y pour une dernière virée avant que l’hiver s’installe.

Jour 1 : 90 km
Terrebonne/Louiseville
Notre périple démarre au parc de conservation du ruisseau de Feu, à Terrebonne, juste de l’autre côté du pont Charles-de-Gaulle. Ce parc, d’une grande richesse écologique, se situe à quelques centaines de mètres du Chemin du Roy et de sa Route verte. Le temps d’espionner quelques bêtes à plume, d’ajuster les sacoches de nos vélos et vroum, nous voilà lancés dans l’air froid de l’automne.
Dès les premiers coups de pédale, nous nous perdons dans les dédales banlieusards de Charlemagne, Le Gardeur, Repentigny et L’Assomption, nous nous éloignant du Chemin du Roy avant de le retrouver à Saint-Sulpice. Ici, la Route verte oscille entre ville et campagne, avant de nous plonger dans le centre-ville de L’Assomption aux magnifiques bâtiments de pierre.
Puis défilent devant nos guidons les villages de Lavaltrie, Lanoraie, Sainte-Geneviève-de-Berthier et Berthierville. Des percées visuelles nous offrent des vues splendides sur le fleuve Saint-Laurent. Le décor est bucolique, avec ses maisons de campagne et ses villes dominées par d’imposantes églises du 19e siècle.
Après Berthierville, le Chemin du Roy bifurque à 90 degrés, s’éloignant de la plaine inondable du lac Saint-Pierre pour s’enfoncer en territoire agricole. Des champs à perte de vue, en veux-tu, en v’là! Nous atteignons Louiseville complètement fourbus, mais heureux de dormir au cœur de la ville à deux pas des restaurants. Ô joie, il y a un magasin de vélo tout près ou nous pouvons réparer un bris mécanique.
JOUR 2 : 70 km
Louiseville/Trois-Rivières
Nos premiers kilomètres de la journée s’étirent à travers une campagne paisible, ponctuée de fermes et de croix de chemin, monuments rappelant notre passé religieux. La circulation automobile frôle le néant. Un tracteur au loin trouble parfois le silence.
Nous rejoignons le noyau villageois de Yamachiche où une enfilade de maisons de brique rouge aux ornements blancs capte notre attention. Des résidences bourgeoises du 19e siècle merveilleusement préservées. Une belle découverte que nous avons eu le temps d’apprécier en roulant à un rythme très modéré.
Nous retrouvons le Saint-Laurent à la halte routière Pointe-du-Lac d’où nous profitons d’un point de vue remarquable sur les immensités du lac Saint-Pierre. Puis cap sur le centre-ville de Trois-Rivières. La rue des Forges nous attend pour une pause ravitaillement. Côté restauration, ce n’est pas le choix qui manque.
Après un bon café en terrasse, la Route verte borde le Saint-Maurice avant de le franchir par le Pont Duplessis. Nous faisons une brève escale au Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap, un important lieu de pèlerinage, le temps d’une prière. Notre souhait : que le vent de face s’essouffle…Nous terminons notre journée à Sainte-Marthe, le quartier le plus à l’est de Trois-Rivières où un gîte douillet nous attend.


JOUR 3 : 60 km
Sainte-Marthe/Deschambault
Le lendemain, le vent est tombé. Nos vœux ont été exaucés! Le thème de la journée : le patrimoine. Au fil des kilomètres, nous tombons en amour avec les cœurs villageois historiques de Champlain, Batiscan, Sainte-Anne-de-la-Pérade, Grondines et Deschambault. Les vieux bâtiments et les vieilles maisons de pierre et de bois sont préservés avec amour. De toute beauté. Une fringale? Plusieurs kiosques maraîchers ont pignon sur rue. Nous avons mangé local au sens propre. Autre singularité de ce coin de pays : on n’y trouve pas de grandes enseignes commerciales. Que des magasins généraux dignes d’un autre temps. Pittoresque!

JOUR 4 : 80 km
Deschambault-Québec
Notre journée débute en beauté sur le cap Lauzon, magnifique promontoire qui domine le fleuve à Deschambault. Au loin se dressent, au beau milieu du Saint-Laurent, les rapides Richelieu, longtemps un obstacle à la navigation.
À Cap-Santé, nous bifurquons sur le Vieux Chemin, qu’un journaliste du Globe & Mail a qualifié de « plus belle rue au Canada ». Rien de moins. Le scribouillard a totalement raison. Une route étroite, bordée de maisons ancestrales, se perche sur un cap. Un bijou. À Donnacona, nous quittons quelques instants le Chemin du Roy afin d’explorer le quai de Les Écureuils. Nous ne l’avons pas regretté. Une extraordinaire fenêtre sur le fleuve.
Puis nous prenons un verre à la microbrasserie L’Esprit de clocher avant d’entamer la dernière ligne droite vers Québec. Les derniers kilomètres réservent encore de belles surprises : le panorama spectaculaire de Cap-Rouge et son spectaculaire pont ferroviaire, le site archéologique Cartier-Roberval et sa passerelle vitrée, les champs de la Station agronomique de Saint-Augustin et la redoutable côte à Gagnon, qui franchit la falaise augustinoise. Une ascension à graver dans nos mémoires, surtout dans un parcours généralement plat. Notre arrivée à Québec conclut une odyssée magique sur deux roues.

Le Chemin du Roy est une expérience sensorielle où chaque kilomètre révèle un pan du pays réel et de notre histoire. À refaire, sans hésitation. Et sans doute bien plus inspirant que l’autoroute Félix-Leclerc…